Lorsque le soleil caresse les herbages verdoyants des plateaux auvergnats, et que l’onctuosité du lait de vache s’associe au savoir-faire de quelques passionnés locaux, de cette belle union naissent cinq fromages de caractère, dotés chacun d’une personnalité marquée et d’une labellisation AOP, et qui mériteraient bien d’être invités plus souvent à notre table. Délices a nommé : le Cantal, le Saint-Nectaire, Le Salers, la Fourme d’Ambert et le Bleu d’Auvergne.
Deux grandes familles se partagent ces cinq crus d’exceptions qui naissent chaque année dans les fabriques artisanales de ce grand plateau de fromages qu’est l’Auvergne, et ce depuis plusieurs siècles. Cantal, Salers et Saint-Nectaire appartiennent ainsi à la famille des pâtes pressées non-cuites, tandis que le Bleu d’Auvergne et la Fourme d’Ambert, originaires respectivement des riches sols volcaniques du sud du Puy-de-Dôme et des environs de Saint-Flour, sont dits fromages « à pâte persillée », du fait de la présence des jolies moisissures bleues qui piquent leur cœur et font s’emballer le nôtre de plaisir!
Making of : comment créer cinq caractères bien trempés
S’ils proviennent tous de la même région, de la même passion, chacun des cinq fromages d’Auvergne naît sur un territoire –et un terroir- AOP bien précis, selon un procédé de fabrication qui demeure quasi inchangé depuis leur création. Le Cantal, digne représentant du territoire du même nom depuis 2000 ans, est ainsi travaillé à 30° C avant d’être salé et pressé deux fois, pour la rondeur puis la forme, et affiné entre 30 et 240 jours, prenant alors les noms de Cantal jeune, entre-deux et vieux selon la durée de maturation. C’est au cours de cette lente maturation que sa croûte gris clair se pare des jolis boutons dorés qu’on lui connaît. Le Saint-Nectaire, issu d’une des plus petites zones AOP de l’Hexagone autour du Mont Dore, à plus de 1800m d’altitude, n’est lui pressé qu’une seule fois et mature moins longtemps mais est lavé à l’eau salée et retourné plusieurs fois par jour au cours des un à trois mois d’affinage, afin d’obtenir son croûtage fleuri. Quant au Salers, trois jours de pression progressive sont nécessaires avant de découper le caillé et de le presser à nouveau, lui donnant ainsi sa forme particulière et l’autorisant à reposer durant trois mois au minimum. Le Bleu et la Fourme d’Ambert sont eux issus d’un procédé tout à fait différent : ensemencés au Penicillium roqueforti, leur caillé est ensuite découpé puis brassé mais leur pâte n’est jamais pressée. Ils subissent alors toute une série d’étapes menées de main de maître par les fromagers, jusqu’à obtention de leur pâte souple et goûteuse (voir encadré).
Comment marier ces princes et ces grandes dames
Avec son inimitable goût de beurre, de réglisse et de noisette, auquel s’ajoutent des notes épicées et puissantes lorsqu’il s’est longuement affiné, le Cantal s’apprécie généralement seul, mais sa force de caractère lui permet tout a fait de se marier avec des fruits rouges, quartiers de pomme, un velouté d’asperges ou d’être râpé sur une pizza. L’odeur caractéristique de champignons et de feuilles mouillées qui s’échappe du Saint-Nectaire trouvera elle bonne compagnie sur une tranche de pain avec de la confiture d’abricot, ou sur des pommes sautées qu’on passe ensuite au four. Comme tous les fromages d’Auvergne, la Fourme d’Ambert s’apprécie également seule, ou avec des fruits comme un confit de poire. Chaude, on la déguste fondue sur une crêpe ou un blinis, en soufflé, ou comme liant dans une sauce pour accompagner une volaille ou un poisson. Avec son goût affirmé et sa texture fondante, le Bleu d’Auvergne accompagne, sans perdre son caractère, une escalope de foie gras, un pavé de bœuf ou, lui aussi, des poires pour le dessert. Il saura aussi faire toute la différence dans une salade aux noix ou d’endives, ou encore pour rehausser les plats du quotidien… Enfin, le Salers mêlera avec élégance sa consistance ferme et souple, son odeur fruitée et son goût singulier, à la fois lactique et épicé, à une poêlée d’asperges ou à une tranche de jambon cru… Et si ces quelques pistes suffisent à vous mettre l’eau à la bouche, n’hésitez pas à innover, tester, goûter, laisser aller votre imagination et, peut être, vous découvrir une nouvelle passion !
Caillé, affinage, présure, on révise son vocabulaire
Dans les laiteries et les fromageries, chaque étape de la préparation du fromage possède son petit nom, un vocabulaire précis qui peut sembler parfois inaccessible. Quelques pistes : on appelle caillage la réaction chimique qui se produit lorsque l’on mélange le lait avec un acide. L’acide en question, nommé présure, provient d’une partie de l’estomac du veau, la caillette, d’où le nom de caillage ! Ainsi, une fois le lait « ensemencé » avec la présure, ce mélange précipite et donne un solide, le « caillé », et un liquide connu sous le nom de petit lait ou lactosérum. L’affinage désigne quant à lui la période plus ou moins longue, codifiée dans le cas des fromages d’Auvergne par le cahier des charges de l’AOP, au cours de laquelle le fromage dans sa forme finale mûrit en cave et prend toutes ses saveurs. Il a obligatoirement lieu dans la zone AOP, l’AOP étant la dénomination européenne équivalant à l’AOC française.
Notes subtiles pour accords parfaits…
Ou comment choisir avec doigté le bon vin pour accompagner le bon fromage et épater la galerie. Si les associations fromages et vin rouge sont bien ancrés dans les mœurs, il faut parfois savoir bousculer les habitudes ! La Fourme d’Ambert offre ainsi ses meilleurs accords avec un vin blanc moelleux, tout comme le Cantal, le Salers et le Bleu d’Auvergne. Attention cependant à bien équilibrer les intensités : le Bleu d’Auvergne au goût affirmé s’appréciera de préférence avec un vin blanc très sucré, tandis qu’un vin blanc plus doux se mariera mieux aux arômes délicats de la Fourme. Le Saint-Nectaire, lui, restera fidèle à un bon vin rouge de caractère. Et même si les fêtes de fin d’années sont passées, n’oubliez pas le champagne ! Ce dernier s’accorde étonnamment bien avec nos cinq candidats du jour : plutôt demi-sec pour les pâtes persillées, on préférera en revanche un champagne fruité et expressif à déguster avec les pâtes pressées comme le Salers, le Cantal et le Saint-Nectaire.
Vers le bleu
Il ne s’agit pas ici de la période tardive de Kandinsky mais bien de ces petites tâches bleues à vertes qui parsèment le cœur des fromages dits « à pâte persillée » tels que le Bleu d’Auvergne et la Fourme d’Ambert. Quelques indices sur leur provenance : le lait de vache est additionné de penicillium roqueforti, un petit champignon de type moisissure tout à fait comestible qui en se développant sera à l’origine du bleu. Le mélange est alors emprésuré et éventuellement ensemencé en ferments lactiques, afin d’obtenir le caillé. Une fois découpé, celui-ci est brassé afin de protéger chaque grain de caillé d’une fine pellicule de manière à former des ouvertures naturelles dans la pâte. Viennent alors les étapes du moulage et de l’égouttage. Le salage vient ensuite et s’effectue soit par immersion en saumure, soit par frottage au sel sec en surface. Le fromage est enfin piqué afin d’aérer la pâte et de permettre au bleu de se développer au contact de l’oxygène, au cours de l’affinage.
Conserver et découper les fromages d’Auvergne
Chefs et fromagers de la région sont unanimes : la meilleure manière de conserver les fromages d’Auvergne est de les emballer dans du film plastique puis de les enrouler dans leur papier sulfurisé d’origine, avant de les déposer dans le bac du réfrigérateur. Pour faire vieillir certains bleus, on peut éventuellement les conserver sous vide. Dans tous les cas, une règle d’or : ne pas les faire sécher, afin qu’ils conservent leur souplesse si caractéristique. Parce qu’on a tous un côté artiste, il convient ensuite de s’équiper afin de ne pas défigurer le fromage que l’on a mis tant de soin à conserver. Pour les pâtes persillées, on s’outille d’une guillotine à fil, ou lyre plus les plus romantiques, et le tour est joué. Pour les pâtes pressées non cuites, plutôt fermes, le couteau à double manche sera votre meilleur allié. Il permet d’exercer une pression simultanée et de briller dans l’Art de la découpe !
Par Mélanie Congretel
Crédit photographique des natures mortes : Pierre Soissons
Recettes aux fromages d’Auvergne
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