Le 4 décembre dernier, c’est en masse qu’une partie de la haute société parisienne a assisté au vernissage de l’exposition « Le voyage de la Korrigane dans les mers du Sud ». Une aventure merveilleuse vécue par 5 jeunes dans les années 30. Cette exposition qui durera jusqu’au 03 juin 2002 permettra de faire découvrir une aventure exaltante peu connue du grand public.

VOYAGER SUR UNE GOÉLETTE, UN VÉRITABLE EXPLOIT !

L’histoire débute par la passion d’un jeune homme. Etienne de Ganay est passionné par la mer. Depuis son enfance, il rêve d’aventures à travers les mers du globe. Ancien de l’école navale, il découvre le Pacifique et l’Extrême-Orient sur la Jeanne d’arc. Sa sœur Régine de Ganay, épouse en 1931, Charles Van den Broek, dont la famille française a des origines hollandaises. Leur voyage de noces les conduit entre autres à Tahiti. Trois ans plus tard, le 24 mars 1934, le couple Van Den Broek, le couple de Ganay (Etienne et sa femme Monique) et un de leurs amis, Jean Ratisbonne, embarquent avec 9 marins bretons à bord de la Korrigane, un ancien morutier, transformé en voilier de luxe. Durant 2 ans et demi, ce bateau va parcourir les mers, faire de nombreuses escales où les cinq collecteront des objets destinés à être exposés et étudiés au musée d’ethnographie du Trocadéro, qui deviendra plus tard (l’actuel) Musée de l’Homme.

voyage-korrigane-mers-du-sud-pacifique-tahiti-entree

La salle a été volontairement conçue comme une coque de bateau.

CROISIÈRE DE LUXE OU RÉELLE EXPÉDITION SCIENTIFIQUE ?

Partis de Marseille, les korrigans (qui se sont appelés eux-mêmes ainsi pour faire référence aux esprits des légendes bretonnes) traversent le canal de panamas, s’arrêtent aux Galápagos puis font route vers les marquises, Tahiti, Bora-Bora, îles Cook, la Nouvelle-Zélande, les îles Fidji, la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu), Santa Cruz, îles Salomon, Nouvelle-Bretagne, îles de l’amirauté, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Macassar puis Java, Indonésie, Ceylan, Egypte. Ils arrivent à Marseille le 17 juin 1936.
Leur voyage est l’une des dernières véritables aventures du XXe siècle, à l’image de celles vécues par leur idole : Alain Gerbault. Un voyage ayant pour cadre économique mondial la crise de 1929 et l’arrivée du fascisme en Italie et en Allemagne. Alors pour ces jeunes ayant une moyenne d’âge de 25 ans, d’une classe sociale plutôt aisée, quel était l’enjeu ? Etait-ce une façon d’échapper aux malheurs et à la décadence du monde occidental, le moyen de prolonger un peu l’insouciance de la jeunesse. L’époque est aussi celle des expositions universelles et coloniales.

voyage-korrigane-mers-du-sud-pacifique-tahiti-tikis-3

Ces différents tikis sculptés viennent de différentes îles de Polynésie Française.

UNE COLLECTE MINUTIEUSE D’OBJETS ETHNOGRAPHIQUES

Lors des 2 ans et demi passés sur les mers et les îles du Pacifique, les korrigans ont récolté plus de 2500 objets dont 800 purent rester la propriété du musée ethnographique grâce à la générosité de leurs descendants. Le reste fut vendu. Les korrigans réalisèrent également des milliers de photographies et de dessins. Le projet de monter une exposition date de 1969 mais pour diverses raisons, il ne put se réaliser avant aujourd’hui. Il aura fallu 5 ans pour faire le bilan de la collection, qui est dispersé, et rassembler toute la documentation nécessaire.
Dans le dédale des couloirs du musée de l’homme, des balises dirigent les visiteurs vers la salle d’expo. Évoquant une coque de bateau, dans la galerie Océanie du musée, l’exposition couvre 450m2. De petites salles (qui ne sont pas sans évoquer des îlots) disposées dans le sens de la visite invitent les visiteurs à suivre le même périple que les korrigans, lors de leur voyage.

voyage-korrigane-mers-du-sud-pacifique-tahiti-pirogue-3

Une ancienne pirogue de Polynésie Française.

UNE AVENTURE EXTRAORDINAIRE ET INOUBLIABLE

À l’entrée de la salle d’expo, Régine Van den Broek, la dernière vivante de l’expédition, se souvient de tout. Aussi bien du parcours effectué à l’époque, étape par étape, alors que l’aventure s’est déroulée presque 70 ans auparavant. Elle souvient également de ce qu’elle avait ressenti à l ‘époque « c’était une aventure extraordinaire. Mon frère en avait toujours rêvé, il a donc acheté le bateau. Notre voyage a duré 2 ans et demi. Nous sommes parti de Marseille, nous avons traversé le canal de Panama puis nous nous sommes dirigés vers les îles du Pacifique, les Marquises, Tahiti… Parfois nous restions 3 semaines sans toucher terre. J’en garde un merveilleux souvenir. Et de Tahiti en particulier car j’y étais déjà partie pour mon voyage de noce ». Une merveilleuse aventure, soutenue à l’époque par Paul Rivet, qui s’activait alors à la création du Musée de l’Homme.
L’une des dernières grandes expéditions ethnographiques du siècle dernier. Une de celles qui a permis de pouvoir montrer aujourd’hui, des objets ayant lien avec le patrimoine culturel de notre planète.

Par Maeva Destombes